Nain et bordel [Mei Tsin]

Un deux trois pas et l'homme se figea. Quatre, cinq, six, sept ... Il bondit ... et rata sa cible d'un cheveu. A un cheveu près il aurait pu en finir avec cette stupide mission de cache-cache confiée par l'un des gardes du château.
Cet homme avait été rencontré le matin même, alors que l'étrange duo franchissait les portes de la grande cité dans l'espoir de se reposer un petit peu. Il les avaient apostrophés d'une voix pâteuse, et lorsque Keiki s'était rapproché pour mieux entendre le soûlard il avait été tenté de vomir à la tête du rustre à cause des relents d'alcool, de tabac et de vomi qui imprégnaient l'homme. Et le pire, c'était qu'une telle épave était sensé être un soldat de cet empire que les millions de petits bipèdes adoraient sans même en connaître les fondements principaux ... une aberration. Mais Keiki était resté à l'écouter et à parler d'un homme petit, trapu, étant fort potentiellement un Nain qui terrorisait les prostituées du quartier.
Et si d'ordinaire Keiki n'aurait tout simplement pas hésité à envoyer un coup d'épée pour permettre à cette horrible chose qui servait de tête à leur interlocuteur d'aller trouver le bonheur ailleurs ... la promesse de la récompense avait suffit à le faire changer d'avis : une bourse bien remplie et faisant un plaisant bruit de pièces ... De plus, ils avaient eu droit à une avance, histoire que leur employeur du moment leur prouvât qu'il ne mentait pas ...

Et Keiki avait raté sa cible à un cheveu. Mei Tsin allait le tuer ... ou pas : elle comprendrait très certainement qu'on ne peut kidnapper un Nain quand une Grand mère arrive avec un panier plein de légumes ...
- Je crois qu'il se dirige droit vers les bordels. Et ne me regarde pas ainsi Tsin, je ne peux manifestement pas capturer un homme quand il y a autant de monde !
L'humeur du mercenaire s'était assombri à cause d'un échec qui, il le savait, était tout de même en partie de sa faute : pourquoi n'avait-il pas décidé d'attendre un tout petit peu plus loin ? Là au moins il aurait pu plus facilement attraper l'homme ...
Frustré, Keiki rabattit sa large capuche sur la tête.
- Allons-y. A moins que tu n'aies autre chose à proposer ... ?

Certains pensent qu´on juge ~~les~~ gens à la manière dont ils vivent leur vie,
et d´autres par la façon dont ils la ~~quittent~~.

- Je crois qu'il se dirige droit vers les bordels. Et ne me regarde pas ainsi Tsin, je ne peux manifestement pas capturer un homme quand il y a autant de monde !

Tsin cessa de fusiller son compagnon du regard. Après tout, il n'avait pas totalement tord. Les nains, bien que trop souvent en sur-poids, était des êtres petits et agiles, qui pouvait disparaitre dans la foule avec autant d'aisance qu'une souris dans une botte de foin. Et puis, l'erreur était humaine et, jusqu'à nouvel ordre, Keiki n'était qu'un simple mortel.

- Allons-y. A moins que tu n'aies autre chose à proposer ... ?

Tsin jeta un coup d'oeil à une petite fille, accrochée au jupon de sa mère, qui la dévisageait sans aucune gêne, certainement à cause de la tenue extravagante de la démone. Celle-ci n'eut qu'à froncer les sourcils pour que la gamine ne disparaisse derrière les pans de la jupe de l'adulte, abandonnant au sol une poupée de chiffon.

Le poursuivre ainsi ne nous mènera à rien, déclara Tsin en esquissant un sourire discret. Il faut le bloquer dans une impasse, déserte bien sûr, pour pouvoir faire notre travail sans être dérangés.

D'un geste vif, la mercenaire retira ses aiguilles de sa chevelure, qui tomba sur ses épaules nues, pour les coincer entre chacun de ses doigts. Si le fait d'être violent -ou de le paraitre- gênait Keiki, il provoquait chez Tsin une réelle sensation de plaisir. D'un hochement de tête, elle indiqua à Keiki qu'elle était prête à reprendre la traque. Dès qu'ils retrouveraient le nain, les deux acolytes n'auraient qu'à se séparer pour le coincer. Leur cible, d'après ce que Tsin avait vu, était loin d'être le plus intelligent des "créatures" de son espèce. Il irait donc surement se réfugier dans les quartiers où il était normal de rencontrer des prostitués ...

Keiki, lui par contre, n'était pas stupide, loin de là. Il ne fallut donc à Tsin qu'un coup d'oeil pour comprendre qu'il était arrivé à la même conclusion qu'elle. La démone attrapa donc la main de son compagnon et, de sa démarche gracieuse, s'enfonça avec agilité dans la foule, en direction d'une rue que les hommes disaient spéciale, entrainant le mercenaire à sa suite.

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Le bruit s'estompait à mesure de leur progression dans les dédales de la ville. Les odeurs devenaient plus nauséabondes, les visages plus grotesques aussi. Ainsi la jeune femme qui s'avança vers eux, un décolleté en dévoilant plus sur sa poitrine flasque et ne ressemblant à plus rien que ce que la décence pouvait permettre, une jupe écarlate fendue jusqu'au ras du bas des fesses, un regard mort depuis bien longtemps présentait sur sa peau qui avait dû être jolie, il y avait for longtemps, des tâches brunes et des rides crasseuses. Le mercenaire secoua la tête, jeta un regard plus qu'acéré à l’inopportune et continua sa marche, la main de sa compagne de route enserrant la sienne comme dans un étau, son corps évoluant avec une grâce naturelle.
C'était étrange de voir une telle femme marcher dans des rues de plus en plus sombres, mais en même temps c'était leur travail. De toute façon la "jeune" femme pouvait aller presque partout du moment qu'une cible s'y trouvait, ou en tout cas qu'il y avait là un objectif intéressant.

Ils tournèrent dans une rue encore plus miteuse que celles déjà traversées. Celle-ci, non seulement sentait la pourriture mais en plus voyait son sol jonché d'immondices improbables, telles que ces vases brisés, cette main à moitié en décomposition, cette épée rouillée ... Keiki en vint à se demander si le Nain qu'il suivait était vraiment suffisamment stupide pour se rendre dans pareil endroit. Et alors, comme pour répondre à ses interrogations silencieuses une voix rauque se fit entendre, suivit par un gloussement feint d'une femme apparemment blasée de cette existence.
Le mercenaire décida de rentrer dans le bâtiment d'où s'était élevée la voix. Il songea un instant à sortir son épée et à massacrer tous ces pauvres imbéciles amassés là dans le seul but de rechercher un peu de "chaleur humaine" mais il se dit que ce n'était pas très subtil comme façon de procéder. De plus son plaisir ne serait qu'éphémère ...
Il imagina alors sa coéquipière, jouant des baguettes pour rendre le Nain totalement inerte, déformé, massacré ... mais vivant, histoire que le soldat eût quelque chose à mettre en prison. Keiki, lui, se ferait une joie de l'émasculer purement et simplement ... et de lui faire avaler son appareil génital encore sanglant.
Nul doute que quiconque aurait pu voir le sourire qui venait de naître sur les lèvres de l'homme au physique d'un Ange serait tout simplement parti en courant, terrifié par les horreurs qui lui étaient peut-être réservées.